L’entrée s’effectue sans ostentation. Dès le seuil franchi, l’atmosphère ralentit. Le bruit du quartier s’efface derrière une palette minérale où le beige, le brun patiné et le gris bleuté s’imposent avec douceur. Arches gothiques, piliers élancés, motifs géométriques gravés : le vocabulaire emprunte à l’esthétique monacale, mais revisitée avec des accents contemporains.
Les 43 chambres et suites déclinent avec précision cette tension entre rigueur et sensualité. Le style, résolument épuré, s’appuie sur une recherche de matières naturelles, patinées par le temps ou volontairement laissées brutes.
Chaque pièce semble raconter une histoire à demi-mots : murs à la chaux aux teintes minérales, têtes de lit en lin brut, encadrées de cadres dorés comme en lévitation. Le parquet, légèrement blanchi, absorbe la lumière du matin sans jamais l’écraser. Les rideaux en laine dense glissent en silence sur des tringles métalliques mates. Ici, aucun motif, aucune surcharge. La beauté naît des proportions. D’un banc en chêne blond, d’un miroir sans tain, d’une lampe en verre soufflé posée sur un guéridon noirci.
Les éléments décoratifs, volontairement rares, ont tous une présence : un vase en céramique japonaise, un ouvrage relié posé sur la console, une photographie encadrée d’un autel oublié. L’éclairage, très travaillé, évite les plafonniers au profit de points de lumière bas, comme dans une chapelle du silence. Les salles de bain prolongent cette vision contemplative : robinetterie en laiton patiné, vasques massives en marbre clair, miroirs cerclés comme des hublots anciens. Le linge, épais et immaculé, contraste avec les murs anthracite. Quelques flacons ambrés signés Officine Universelle Buly ou Santa Maria Novella accentuent le geste quotidien d’un soupçon de sacré.
Au rez-de-chaussée, le bar prend place comme un interlude nocturne. Moquette épaisse, boiseries sombres, fauteuils en cuir chocolat et lumières rasantes évoquent l’univers des clubs new-yorkais des années 30, sans pastiche. Les bouteilles sont alignées comme des fioles d’alchimiste, et les verres, taillés à la main, prolongent l’expérience tactile d’un service pensé dans ses moindres gestes.
Le restaurant Temple & Chapon, baptisé en écho aux deux rues qu’il embrasse, se découvre sous une verrière monumentale qui joue avec la lumière zénithale. Les murs sont tapissés de toiles sourdes, ponctués ici et là d’accents cuivrés et de compositions florales qui empruntent au style Ikebana.
La salle, conçue par Clovis Retif, invite à la contemplation : banquettes en velours ambré, tables nappées à l’ancienne, assiettes en porcelaine blanche, et un ballet de serveurs en tenue sobre, presque cérémoniale. L’ensemble évoque une brasserie du futur, ancrée dans une mémoire transatlantique.
En cuisine, la cheffe Mélanie Serre déploie une carte qui conjugue l’épure française à la générosité nord-américaine. Les plats racontent une histoire sans effet : crab cakes aux agrumes confits, sole meunière au beurre citronné, filet Rossini à la cuisson millimétrée, lobster roll en brioche tiède, et ce Paris–New York à la noix de pécan qui semble sceller la rencontre entre deux continents.
Derrière une porte presque invisible, à l’abri des regards, le spa de l’Experimental Marais s’inscrit dans la continuité esthétique de l’hôtel : apaisé, enveloppant, secret. Une lumière rasante caresse les murs d’enduit minéral, tandis que le murmure de l’eau évoque les thermes antiques revisités à l’échelle du privé.
Dans cet écrin souterrain, les soins signés Susanne Kaufmann empruntent à la nature alpine et à la précision scientifique : textures légères, odeurs sèches, efficacité contenue. Le corps retrouve son tempo dans des massages sur mesure aux gestes précis, tandis que le visage se révèle dans des protocoles haute-couture conçus pour restaurer, rééquilibrer, apaiser. Un hammam nacré, un bassin intérieur aux lignes nettes, une cabine double pour les rituels à deux : chaque espace invite à une forme de retrait du monde, presque liturgique. Ici, tout est calme, densité, respiration. Un lieu pour réapprendre le temps long.
Un hôtel où chaque détail semble avoir été déposé, non posé. Une table où l’on dîne comme on écouterait une musique lente. Un spa caché où l’on vient s’oublier. Il n’y a rien à décréter ici. Tout à ressentir. Le Marais, à nouveau, s’offre une échappée confidentielle.